23.11.10

Du béton et des danseuses.

© Rodrigo Pederneiras - Grupo Corpo

J’ai toujours aimé les danseuses. Je pense pouvoir en reconnaître dans le métro, à un je ne sais quoi de gracieux et de véloce dans le lancer de genoux quand elles marchent, les pieds en dix heure dix… Essayons une introduction moins stupide : j'ai toujours eu beaucoup de tendresse pour les danseuses, qui font à n'en pas douter l'un des métiers les plus difficiles de tout le spectacle vivant* . Les danseurs aussi sont intéressants.

A la faveur de deux invitations gagnées à force de lecture du quotidien Libération et d'une judicieuse proposition de sortie (merci Tanja), cet automne aura été celui de la danse, redécouverte sur différents territoires parisiens du spectacle vivant.

Cap au nord-est, au Centre National de la Danse. Très beau paquebot d’un béton franc et nu, qui contribue à faire de Pantin, le long du canal de l’Ourcq, un bel endroit contemporain avec des morceaux de vieux quartiers autour : les notaires sont contents. Se promettre d’y revenir, de s’y abonner, aux beaux jours, y venir en vélo le long du canal, sous les Grands Moulins de Pantin, qu’on aura longtemps rêvé en lieu culturel aussi, mais « le site a ouvert ses portes en novembre 2009 afin d'accueillir les 3000 salariés de la société BNP Security Services, filiale du groupe BNP Paribas ». 


Songook Yakaar 

L’invitation était pour « Songook Yakaar » de et par Germaine Acogny ; impressionnante sénégalo-française, décorée de tout ce que la République Française peut offrir en breloques à peu de frais aux artistes du monde (chevalier des Arts et des Lettres, comme Tom Cruise, le scientologue, ou plutôt comme Uma Thurman, c’est plus seyant). Mais Germaine Acogny est très remontée depuis un certain discours présidentiel sur l’Histoire et l’homme Africain. Alors, comme elle en a gros sur la patate, elle décide « de ”danser en plaisanterie”, une coutume vivante en Afrique de l’Ouest permettant de se moquer de soi-même sans épargner les autres. Senghor disait : “L’Afrique apporte le rire au monde !” ». Ah, jusqu’à cette citation de Senghor, ça m’allait bien cette note d’intention. Il est con le nègre du Président, il lui aurait suffit de piquer cette citation de Senghor, et hop, le petit agité avait tout le monde dans sa poche. Le petit spectacle est rondement ficelé, Germaine Acogny occupe sans efforts apparents la scène et les gradins, interpelle le public et obtient même qu’il se lève pour quelques déhanchements salutaires. Elle a de l’allure Germaine, un brin cabotine (elle nous présentera son mari allemand à la fin du spectacle)... 
De la danse « proprement dite »,  il y en eut peu, dans ce spectacle mêlant musique originale et projection vidéo, mais bien assez pour donner envie de découvrir ses chorégraphies à l’avenir avec son Ecole des sables : je retiens une assez émouvante représentation de l’immigration obstinée, obligée ou rêvée (ou tout à la fois) d’un Africain vers un pays qui ne l’aimera pas plus et un geste que je vous reproduirai à l’occasion pour signifier « je suis de passage ». Elle avait envie de parler, Germaine Acogny, de dire ce qu’elle avait sur le cœur. Et c’est vrai que la danse, ça a un côté spectacle muet, et que face à l’adversité, il ne faut pas hésiter à prendre de temps en temps le micro.



Encor

Pour le second spectacle, direction le Théâtre National de Chaillot. C’est encore une chorégraphe remontée qui nous y attend, Catherine Diverrès, longtemps directrice du Centre National de la Danse de Rennes, pour nous proposer « Encor ». Le spectacle est tendu et âpre, répétitif et, parfois, ennuyeux. Quatre bonnes raisons de l’avoir vécu, sans compter une bande son impeccable, je dis bande son à bon escient comme « Encor » s’écrit bien sans « e » final. Tendus les muscles et tendons des cinq danseurs et danseuses exceptionnels, âpres les atmosphères proposées, répétitifs les motifs, ennuyeux parfois, mais de cet ennui qui vous travaillera longtemps après la représentation. C’est assurément mon coup de cœur modeste de spectateur néophyte, probablement abusé par une référence Godardienne appuyée : on y danse le madison aussi dans ce spectacle, une belle et franche reprise de la scène de « Bande à Part » avec la voix de Jean-Luc et les seins d’Odile sous le chandail. Un bref extrait du début du spectacle est disponible sur le site de la compagnie ici




Parabello & Imã

Pour terminer, le Théâtre des Champs Elysées. Pas d’invitation « Libération » cette fois-ci, l’immense salle s’est remplie toute seule comme une grande. On a casqué pour une place au troisième rang avec « visibilité limitée », il doit y avoir des places presque gratuites mais d’où l’on ne peut rien voir je suppose, mais il s’agit des brésiliens et brésiliennes de Grupo Corpo, suffisamment nombreux pour occuper toute la scène et pour que vous ne manquiez rien de ce feu d’artifice musical et visuel. L’investissement est bien rentabilisé, deux spectacles étaient au programme : Parabello (1997) et Imã (2009) et on comprend vite pourquoi le succès : danseuses (et danseurs) virevoltantes et chaloupantes, souriant pendant l’effort. Le Brésil est bien une nouvelle puissance économique… La chorégraphe est un chorégraphe. Beau métier que le sien ! La compagnie bénéficie du soutien mérité de la puissante compagnie pétrolière Petrobras que je salue.



* le lundi 6 décembre 2010 de 14h à 17h au Grand studio du Centre National de la Danse est programmé "Histoire d’os : constitution, traumatismes et prévention"



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